Sur la base d’une vague supposition d’un soutien direct ou indirect à un sous-groupe du PKK, un ressortissant turc d’ethnie kurde est qualifié d’indigne de l’asile, ce qui entraîne le rejet de sa demande d’asile. Cependant, l’admission provisoire lui est accordée en raison de l’illicéité d’un refoulement. Cette décision du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a été confirmée par le Tribunal administratif fédéral (TAF). Avec l’argument que des contacts concrets avec des groupements radicaux qui commettent ou soutiennent des actes terroristes ou violents et extrémistes suffisent à faire admettre une mise en danger de la sécurité de la Suisse et, partant, une indignité de l’asile si la personne concernée ne peut pas se démarquer de l’idéologie en cause de manière crédible. En l’espèce, il s’agit d’une sous-organisation secrète du PKK, qui recrute des cadres et des combattants pour le PKK. Quant au PKK, il agit militairement pour l’autonomie des territoires habités par les Kurdes et n’est pas interdit en Suisse.
Aux yeux de l’ODAE-Suisse, la décision négative de première instance et l’arrêt du Tribunal administratif fédéral sont choquants à plusieurs égards. L’exigence mise à la charge des personnes concernées par cette jurisprudence, à savoir de devoir rendre vraisemblable une prise de distance de l’idéologie de l’organisation entrant en considération, renverse le fardeau de la preuve et porte atteinte à la présomption d’innocence. En outre, la pesée des intérêts entre l’intérêt public (en l’espèce, la sécurité de la Suisse) et l’intérêt individuel à bénéficier d’une protection garantie par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (CGR) et la loi sur l’asile (LAsi) semble avoir été opérée de manière très partiale : le fait de prononcer l’indignité entraîne une privation de droits, raison pour laquelle une telle qualification devrait forcément s’accompagner d’une mesure proportionnée, acceptable et appropriée. Ici, il apparaît fort douteux que la mesure prise ait été propre à écarter tout danger car l’intéressé a été admis à titre provisoire en Suisse où il peut circuler librement. Reste encore à savoir si le statut défavorable de l’indignité est nécessaire et opportun pour la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse.
Par ailleurs, il s’agit d’un arrêt de principe, ce qui signifie que l’on peut admettre que les décisions seront les mêmes également pour d’autres cas se présentant de manière semblable. C’est problématique si l’on pense que la majorité des personnes concernées qui a fait valoir ses intérêts de manière pacifique risque également d’être touchée. Un statut juridique défavorable de ces personnes ne serait par conséquent que très difficilement conciliable avec le concept de la libre expression des opinions, ce que l’ODAE-Suisse considère comme très grave.