Dans son tout nouveau rapport spécialisé, l’Observatoire suisse du droit d’asile et des étrangers aborde le thème « Mariage et migration ». En 2012, plus de 40’000 mariages ont été célébrés en Suisse alors qu’environ la moitié des conjoints concernés était de nationalité étrangère. A l’aide de 12 cas documentés, le rapport met en lumière les obstacles et difficultés auxquelles les couples binationaux et les couples étrangers sont confrontés bien que le droit au mariage soit consacré tant au niveau national qu’au niveau international.
Les droits et obligations des couples binationaux et des couples migrants sont réglés dans diverses lois nationales et internationales. Suivant la nationalité et le statut de séjour de l’un des partenaires, les couples n’ont souvent pas d’autre choix que de se marier s’ils souhaitent une vie commune. La préparation du mariage est toutefois liée à de pénibles démarches bureaucratiques, à d’importants frais, à de l’incertitude et la plupart du temps aussi à un stress psychique non négligeable.
Mélange de fonctions d’état civil et de police des étrangers
Suite aux dernières modifications légales, des pouvoirs de police des étrangers ont été confiés aux officiers de l’état civil. En plus de leur devoir de refuser la célébration du mariage à des personnes ne séjournant pas de manière légale en Suisse ou en cas de suspicion de mariage blanc ou de mariage forcé, les officiers de l’état civil sont tenus, depuis le 1er juillet 2013, de dénoncer aux autorités compétentes toute infraction pénale dont ils prennent connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Or, cette délégation de compétences est extrêmement délicate. « Les officiers de l’état civil doivent prendre des décisions dans le champ de tension entre le droit au mariage et la politique migratoire restrictive. Il est impossible de concilier ces deux impératifs dans la pratique », affirme Stefanie Kurt, secrétaire générale de l’ODAE-Suisse.
Absence de réglementation sur le mariage arrangé et sur le maintien forcé du mariage
La loi fédérale concernant les mesures de lutte contre les mariages forcés ne contient pas de règle sur les mariages arrangés et le maintien forcé du mariage. Il y a cependant deux aspects problématiques : si, après s’être séparée de son conjoint, une personne veut faire valoir la prolongation de son autorisation de séjour, elle ne peut pas invoquer le fait qu’elle ait vécu dans le maintien forcé d’un mariage. En plus, la loi n’offre pas non plus de protection à la personne dont le mariage a été arrangé à l’étranger. Le fait est que les personnes vivant en Suisse sans posséder la nationalité suisse perdent leur droit de séjour en Suisse après 6 mois si elles partent sans s’annoncer. Un droit de retour inscrit dans la loi, comme en Allemagne en cas de mariage forcé à l’étranger, n’existe pas en Suisse.
Importants obstacles, importants frais
Suivant les cas, un couple binational ou étranger ou le conjoint séparé se trouve dans une situation problématique qui ne peut guère être résolue sans l’aide d’un‑e juriste spécialisé‑e. Or, il n’existe en Suisse que très peu de bureaux de consultation spécifiques pour les couples binationaux et il serait bon qu’il y en ait davantage. Les autorités, les politicien-ne‑s et spécialistes sont invité-e‑s à établir une protection contraignante du droit au mariage contre les mariages forcés et les mauvais traitements dans le mariage sans que les victimes n’aient à redouter une expulsion ou une dénaturalisation.