La volon­té d’u­ne poli­tique migra­toire stricte

L’ODAE romand tire le bilan de ses obser­va­tions de ter­rain sur les deux der­niè­res années. 

La volon­té d’une poli­tique migra­toire stric­te, la sus­pi­ci­on et la crain­te de sup­po­sés «abus» l’emportent enco­re trop sou­vent sur le devoir de pro­tec­tion des per­son­nes et sur le respect de leurs droits fon­da­men­taux. C’est le bilan que tire l’ODAE romand de ses obser­va­tions de ter­rain sur les deux der­niè­res années, syn­thé­ti­sées dans son 9e rap­port d’observation. Et dont chaque con­s­tat est étayé par un ou plu­s­ieurs exemp­les concrets.

Dans le domaine du droit de la lib­re cir­cu­la­ti­on (ALCP), quand il s’agit de la pro­lon­ga­ti­on d’un sta­tut ou de regrou­pe­ment fami­li­al, cer­tai­nes auto­ri­tés portent att­ein­te à l’Etat de droit en appli­quant des cri­tères non pré­vus par cet­te loi, en fond­ant leur décis­i­on sur une juris­pru­dence ina­dé­qua­te, et en igno­rant les droits spé­ci­fi­ques con­fé­rés par l’ALCP.

Dans le domaine du droit des étran­gers, les per­son­nes font aus­si face à des exi­gen­ces incon­sidé­rées ou illé­ga­les et à des décis­i­ons erro­n­ées, ain­si qu’à de nombreu­ses incer­ti­tu­des et tra­cas­se­ries admi­nis­tra­ti­ves. Quant aux femmes migran­tes vic­ti­mes de vio­len­ces con­ju­ga­les, elles sont con­fron­tées à d’importantes dif­fi­cul­tés pour voir leur per­mis renou­velé lorsqu’elles se sépa­rent de leur mari violent.

Dans le domaine du droit d’asile, le règle­ment Dub­lin, appli­qué de maniè­re qua­si auto­ma­tique, don­ne tou­jours lieu à des situa­tions dra­ma­ti­ques. Lorsqu’il s’agit d’examiner les deman­des sur le fond, les cri­tères d’octroi de l’asile restent rest­ric­tifs, ou se durcis­sent com­me pour les Erythréen·ne·s. Les per­son­nes en quête d’asile font face à de nombreux obs­ta­cles admi­nis­tra­tifs et il est très dif­fi­ci­le pour elles de prou­ver la vrais­em­blan­ce des per­sé­cu­ti­ons subies ou qu’elles ris­quent dans leurs pays d’origine. Pour les per­son­nes ayant reçu une répon­se néga­ti­ve, les con­di­ti­ons de vie en Suis­se, les mesu­res de déten­ti­on et les pra­ti­ques de ren­vois restent pré­oc­cu­p­an­tes. Enfin, la situa­ti­on des per­son­nes admi­ses à tit­re pro­vi­so­i­re et cel­le des mineur·e·s non accompagné·e·s et des jeu­nes adul­tes sont extrê­me­ment précaires.

Les situa­tions con­crè­tes décri­tes au fil des pages de ce rap­port rap­pel­lent qu’au-delà de l’abstraction des tex­tes de loi, leur appli­ca­ti­on au jour le jour con­cer­ne les vies de nombreu­ses per­son­nes. Elles posent la ques­ti­on de la pro­por­ti­on­na­li­té de cer­tai­nes décis­i­ons au regard des droits fondamentaux.

Elles mont­rent aus­si que le tra­vail de défen­se effec­tué par les man­da­tai­res est essentiel. Pour­tant, com­bien de per­son­nes ne béné­fi­ci­ent pas d’une défen­se de qua­li­té ou renon­cent à fai­re recon­naît­re leurs droits face à une pro­cé­du­re éprou­van­te ? Trop sou­vent enco­re les voix des per­son­nes sont rédui­tes au silence, les par­cours sont oubliés et les droits sont niés.

(tex­te de Raphaël Rey, ODAE romand)