Le Con­seil fédé­ral sou­hai­te rédui­re l’ai­de sociale

Le Con­seil fédé­ral a déci­dé de limi­ter l’ai­de socia­le octroyée à des res­sor­tis­sants d’Etats tiers. Du point de vue de l’ODAE-Suisse les rest­ric­tions pré­vues sont inacceptables.

En jan­vier, le Con­seil fédé­ral a déci­dé de rest­reind­re l’oc­troi de pre­sta­ti­ons de l’aide socia­le aux res­sor­tis­sant-e‑s de pays tiers. Dans le cad­re du pos­tu­lat « Pre­sta­ti­ons de l’aide socia­le octroyées à des res­sor­tis­sants de pays tiers. Com­pé­ten­ces de la Con­fé­dé­ra­ti­on » (17.3260) la Com­mis­si­on des insti­tu­ti­ons poli­ti­ques du Con­seil des États a char­gé le Con­seil fédé­ral d’ex­ami­ner les pos­si­bi­li­tés juri­di­ques pour que la con­fé­dé­ra­ti­on puis­se rest­reind­re – voi­re exclure – l’octroi de pre­sta­ti­ons de l’aide socia­le aux res­sor­tis­sants de pays tiers.

Les rest­ric­tions pré­vues tou­ch­ent près de 60 000 per­son­nes de pays tiers qui n’ap­par­ti­en­nent pas au domaine de l’a­si­le. Tou­te­fois, une pro­por­ti­on con­sidé­ra­ble de 60 000 per­son­nes ont été, dans le pas­sé, eux-mêmes ou des mem­bres de leur famil­le, des requé­rant-e‑s d’asile Selon une indi­ca­ti­on du Con­seil fédé­ral dans un rap­port en répon­se au pos­tu­lat, adop­té en juin 2019, cela repré­sen­te envi­ron 17% de la tota­li­té des per­son­nes sou­te­nues par l’ai­de socia­le en Suis­se en 2016.

Dif­fé­ren­tes mesu­res du Con­seil fédéral

Lors de sa séan­ce en jan­vier 2020, le Con­seil fédé­ral a déci­dé de la suite de la pro­cé­du­re (com­mu­ni­qué de pres­se du Con­seil fédé­ral du 15.01.2020). Le Dépar­te­ment fédé­ral de jus­ti­ce et poli­ce (DFJP) doit désor­mais prépa­rer des modi­fi­ca­ti­ons de la loi pour les 3 mesu­res suivantes :

  • La révo­ca­ti­on de l’autorisation d’établissement (per­mis C) en cas de dépen­dance à l’aide socia­le dev­rait être simplifiée;
  • L’aide socia­le octroyée aux titu­lai­res d’une auto­ri­sa­ti­on de séjour (per­mis B) dev­rait être limi­tée au cours de leurs trois pre­miè­res années de pré­sence en Suisse
  • Les con­di­ti­ons d’intégration requi­ses pour l’octroi d’une auto­ri­sa­ti­on de séjour aux per­son­nes admi­ses à tit­re pro­vi­so­i­re dev­rai­ent être précisées.

Com­me l’é­crit le « Bund » dans un artic­le du 16.01.2020, la con­seil­lè­re fédé­ra­le Karin Kel­ler-Sut­ter, avait deman­dé une qua­triè­me mesu­re, selon laquel­le les enfants des béné­fi­ci­ai­res de l’ai­de socia­le ne pour­rai­ent plus être natu­ra­li­sés. L’opposition à cet­te mesu­re de la part de con­seil­lers fédé­raux PDC et PS a fait qu’elle a, par la suite, reti­ré cet­te demande.

Trois aut­res mesu­res seront direc­te­ment mises en œuvre par le DFJP, car aucu­ne modi­fi­ca­ti­on de la loi n’est néces­saire pour leur réalisation:

  • Le Secré­ta­ri­at d’État aux migra­ti­ons (SEM) dev­ra à l’avenir don­ner son accord à la pro­lon­ga­ti­on des per­mis B de res­sor­tis­sants d’États tiers qui « occa­si­on­nent des coûts sub­stantiels en matiè­re d’aide sociale ».
  • L’Office fédé­ral de la sta­tis­tique effec­tuera désor­mais des ana­ly­ses régu­liè­res sur la per­cep­ti­on de l’aide socia­le par les res­sor­tis­sants d’États tiers sur la base de don­nées appariées.
  • Le DFJP éla­bo­rera des recom­man­da­ti­ons en vue d’une har­mo­ni­sa­ti­on ent­re tous les can­tons de la noti­on des coûts d’aide socia­le dans le cad­re de la pre­scrip­ti­on de mesu­res rele­vant du droit des étrangers.

La Con­ven­ti­on de Genè­ve rela­ti­ve au sta­tut des réfu­giés exi­ge l’é­ga­li­té de traitement

Aujour­d’hui, les per­son­nes ayant une « rési­dence per­ma­nen­te » (Suis­ses­ses et Suis­ses, titu­lai­res d’un per­mis C, titu­lai­res d’un per­mis B, réfu­giés et apa­tri­des) reçoi­vent, dans la plu­part des can­tons et des com­mu­nes, une aide socia­le ordi­naire selon les direc­ti­ves de la CSIAS. Les per­son­nes « sans rési­dence per­ma­nen­te » (étran­gers admis à tit­re pro­vi­so­i­re) n’ont droit qu’à une aide socia­le réduite. L’O­DAE-Suis­se cri­tique le fait que le Con­seil fédé­ral veuille désor­mais cré­er une nou­vel­le dif­fé­ren­cia­ti­on au sein du grou­pe de per­son­nes ayant un « séjour per­ma­nent ». Le fait de rest­reind­re l’ai­de socia­le des per­son­nes titu­lai­res d’un per­mis B (y com­pris les réfu­giés recon­nus), a pour con­sé­quence que ces per­son­nes seront désa­van­ta­gées par rap­port aux Suis­ses et aux res­sor­tis­sants de l’UE/AELE. Et cela, bien que la Con­ven­ti­on de Genè­ve rela­ti­ve au sta­tut des réfu­giés sti­pu­le à l’ar­tic­le 23 que les États doi­vent accor­der aux réfu­giés « en matiè­re d’assistance et de secours publics le même trai­te­ment qu’à leurs nationaux ».

Ce qui sem­ble par­ti­cu­liè­re­ment inquié­tant est que l’ai­de socia­le dev­rait être réduite pen­dant les trois pre­miè­res années de rési­dence en Suis­se. Cela ris­que de cré­er une pres­si­on psy­cho­lo­gi­que sup­p­lé­men­tai­re inu­tile et de com­pli­quer davan­ta­ge l’in­té­gra­ti­on éco­no­mi­que et socia­le des per­son­nes con­cer­nées. Dans un rap­port, des expert-e‑s nom­més par le Con­seil fédé­ral, expri­ment éga­le­ment leur scep­ti­cis­me et éva­lu­ent les mesu­res, au moins en par­tie, com­me «inap­pro­priées et contre-productives».

Déjà en 2019 : Des durcis­se­ments radicaux 

Les dis­po­si­ti­ons rela­ti­ves à l’oc­troi de l’ai­de socia­le aux per­son­nes ayant des per­mis B et C ont déjà été ren­for­cées lors­que la loi révi­sée sur les étran­gers et l’in­té­gra­ti­on (LEI) est entrée en vigueur le 1er jan­vier 2019. Du point de vue de l’ODAE-Suisse, il est incom­pré­hen­si­ble que de nou­vel­les mesu­res soi­ent adop­tées sans que les effets du ren­force­ment de la LEI soi­ent atten­dus et évalués.

Avant même l’en­trée en vigueur de la nou­vel­le LEI, l’ODAE-Suisse avait déjà docu­men­té des cas où des per­son­nes, qui béné­fi­ci­ai­ent d’une aide socia­le sans fau­te de leur part, s’é­tai­ent vu reti­rer illi­ci­te­ment leur per­mis de séjour (cas 322, 320 et 251). Tou­te­fois, en ce qui con­cer­ne l’autorisation d’é­ta­blis­se­ment, il n’était aupa­ra­vant pas pos­si­ble de révo­quer l’autorisation en rai­son de dépen­dance de l’aide socia­le, après que les per­son­nes étran­gè­res aient séjour­né en Suis­se léga­le­ment et sans inter­rup­ti­on depuis plus de quin­ze ans (art. 63 al. 2 LEtr). Ce délai a été sup­p­ri­mé lors de la révi­si­on de la loi en jan­vier 2019. Depuis lors, les ser­vices sociaux sont tenus d’annoncer aux auto­ri­tés migra­toires les per­son­nes étran­gè­res titu­lai­res d’u­ne auto­ri­sa­ti­on d’é­ta­blis­se­ment, qui vivent en Suis­se depuis plus de quin­ze ans et dont les pre­sta­ti­ons socia­les ont att­eint un cer­tain mon­tant (art. 82b OASA et direc­ti­ve). Dans le cas d› « Ardit », alors qu’il a vécu en Suis­se pen­dant plus de 20 ans, cela a ent­rai­né le déclas­se­ment de son per­mis d’é­ta­blis­se­ment en une auto­ri­sa­ti­on de séjour tem­po­rai­re et « sou­mi­se à des conditions ».